Page:Rodenbach - Bruges-la-Morte, Flammarion.djvu/97

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lumière voilée des ciels du Nord, le granit des quais, les pluies incessantes, le passage des cloches eussent influencé, par leur alliage, la couleur de l’air — et aussi, en cette ville âgée, la cendre morte du temps, la poussière du sablier des Années accumulant, sur tout, son œuvre silencieuse.



Voilà pourquoi Hugues avait voulu se retirer là, pour sentir ses dernières énergies imperceptiblement et sûrement s’ensabler, s’enliser sous cette petite poussière d’éternité qui lui ferait aussi une âme grise, de la couleur de la ville !

Aujourd’hui ce sens de la ressemblance, par une diversion brusque et quasi miraculeuse, avait agi encore, mais d’une façon inverse. Comment, et par quelle manigance de la destinée, dans cette Bruges si lointaine de ses premiers souvenirs, avait surgi brusquement ce visage qui devait les ressusciter tous ?

Quoi qu’il en fût du singulier hasard, Hugues s’abandonna désormais à l’eni-