Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/148

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Le superstitieux poète crut à l’horoscope de cette magicienne en cachemire jaune et turban blanc, qui fumait devant lui une longue pipe orientale ; et dès son retour, sans doute, il rêvait déjà de réaliser son oracle, tandis que le navire, en route pour la France, marchait d’étoile en étoile…

Bientôt il se fit élire à la Chambre :

— Où allez-vous vous asseoir dans l’Assemblée ? lui demanda un de ses amis.

— Au plafond !

Ceci marquait chez Lamartine lui-même la sensation qu’il se trouverait peu à sa place parmi les intrigues et les roueries d’un Parlement.

Comment ! le mélancolique poète allait s’occuper de politique et tenter de diriger l’opinion ? Mais est-ce que le clair de lune ne gouverne pas la marée et n’attire pas avec ses yeux la souffrance de la mer ?

Lamartine, lui aussi, rêvait d’attirer le peuple à lui. Il avait mis Dieu dans la poésie et dans l’amour. Il voulut mettre Dieu dans la politique — le mot est de lui — créer une République évangélique où on gouvernerait la nation par ses vertus.

Il faillit presque y parvenir dans cette extraordinaire aventure de la Révolution de 1848 qu’il prépara avec les Girondins et dont il fut le promoteur et le héros, On ne peut pas lire aujour-