Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/175

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Seulement, Brizeux a fait plus que de la poésie rustique, de « l’art de son terroir », comme on a dit depuis. Son œuvre vaut surtout par son caractère général, son sentiment toujours ému, son frisson d’humanité et d’âme qui sont le fond éternel de toute poésie. Et de ceci, la preuve s’en trouve non seulement dans les si naturelles et vives peintures des jeunes amours, mais encore dans le sentiment familial qui est entre ses pages comme une triste rose conservée du jardin maternel.

Il a dit cette douleur qui est une des plus vraies de la vie des lettres : le poète quittant la maison où il joua enfant, délaissant pour la grande ville la ville morte où il sait bien que son âme s’étiolerait ; le poète abandonnant sa mère vieillie qui comptait sur lui pour qu’il l’aidât à cheminer, à petits pas — comme elle-même, naguère, l’avait aidé à marcher, tout petit !

Oh ! cette dernière promenade de Brizeux avec sa mère au long des mélancoliques remparts de Lorient, nous l’avons tous faite et, rien que d’y penser, il nous vient des larmes — tandis que la vieille femme, notre mère, est seule là-bas qui, elle aussi, nous cherche encore de chambre en chambre…