Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/266

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le moment précis où l’affluent se mêla au fleuve en marche.

C’est que M. Claude Monet surtout, à son insu et de par son instinct, fut un grand novateur. C’est lui qui cassa les vitres des ateliers, réalisa dans sa totalité ce que le plein air pouvait ajouter de frémissement et de vibration lumineuse à la peinture. C’est lui qui clarifia la palette, la nettoya des ocres, des obscurcissements séculaires, et fixa enfin sur la toile toute la lumière, grâce à sa technique du ton simple, du ton fragmentaire, posé par touches brèves et successives.

La peinture a suivi ainsi parallèlement la science, les expériences de Rood, les études de Chevreul. Toutes les couleurs associées donnent le noir. Par conséquent, le mélange des tons sur la palette est un acheminement vers le noir. Il fallait donc ne pas mélanger les tons, pour obtenir toute la lumière.

M. Claude Monet y a réussi. Il a saisi jusqu’aux plus fines sensibilités de l’atmosphère, par sa décomposition des tons. On peut dire qu’il apprivoisa la lumière, sans que ce féerique oiseau, aux ailes couleur du prisme, ait perdu une plume ou un duvet entre ses doigts. Délicat et puissant, l’artiste a accumulé une œuvre énorme, peignant à Giverny, dans le Midi, à