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M. RODIN




M. Rodin est un des rares hommes de génie actuels. Nul n’aura davantage révolutionné son art, si ce n’est, quant à la poésie, Victor Hugo auquel il fait songer.

Grâce à lui, la sculpture est devenue le drame, c’est-à-dire quelque chose de vivant et d’humain, au lieu de la tragédie compassée, de l’art d’hypogée, qu’elle était. La sculpture antérieure en était arrivée à quelques altitudes conventionnelles, à un cérémonial restreint de gestes nobles. M. Rodin se renoua à la sculpture du moyen âge, qui sortait du peuple et en tenait son grand accent humain. Ainsi il offrit à son tour des gestes, des attitudes de corps d’une nouveauté qui déconcerte.

Gestes et attitudes moins trouvés que retrouvés ; non plus académiques, mais humains, enfin ! Il lui avait suffi de regarder directement les hommes, les pauvres et tragiques hommes, sans plus le souvenir des dieux, des héros, des figures allégoriques, tout l’Olympe suranné,