Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/290

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minute résumatoire, combien il est vrai de dire que M. Rodin s’égale à la Nature et en fait partie, pour ainsi dire… Pour mettre en évidence un fragile groupe : trois petites femmes nues enlacées et dansant comme au tournoiement d’une étoile, il les posa sur un vieux vase gallo-romain (elles étaient censées représenter l’esprit du vase). Pour équilibrer celui-ci, l’artiste l’entoura, à la base, de fruits qui se trouvaient là, par hasard, des coings sur leurs branches encore feuillées ; il étançonna le vase de terre rose, avec les belles pommes d’un jaune de couchant. Le frêle groupe de plâtre, au-dessus, dansait. Des fils de toiles d’araignée rejoignaient les bras, comme des fils de la vierge les trois roses blanches d’un même rosier. Un papillon s’y était pris, on ne sait quand et, mort, gisait… Agencement merveilleux… Tout cela constituait un poème de nature, comme né ainsi. L’œuvre de sculpture n’était que la partie d’un tout, un fragment de ce poème de nature, semblable au reste… Et les mains craintives de M. Rodin entouraient le fragile accord de tout cela, le prolongeaient, avaient l’air d’en faire partie encore un peu, de commencer seulement à s’en séparer, comme un créateur de sa création.

Puisque M. Rodin est si conforme à la Nature,