Page:Rodenbach - L’Élite, 1899.djvu/301

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magnifiquement. C’est pourquoi il a voulu que son œuvre aussi fût moins une statue qu’une sorte d’étrange monolithe, un menhir millénaire, un de ces rochers où le caprice des explosions volcaniques de la préhistoire figea par hasard un visage humain. On montre ainsi, en des montagnes des bords du Rhin et d’ailleurs, tels profils célèbres de l’humanité, celui de Napoléon, par exemple, immense et très ressemblant, tout découpé sur l’horizon, préexistant ainsi avant sa venue et de toute éternité. Étrange phénomène, comme si les génies étaient vraiment des aspects de la Nature et les visages immanquables de la Destinée. Ainsi M. Rodin, en concevant de cette façon son Balzac, concordait avec l’ordre éternel et la logique même de la fatalité du génie. Sa statue aussi fait penser aux visages qui sont dans les rochers.

Et ceci, une fois de plus, prouve que M. Rodin crée comme la Nature. Même dans la présentation de ses œuvres, on retrouve les procédés de la Nature. Ses marbres sont frustes, taillés seulement d’un côté, et il en sort des figures, tantôt une face ruinée par la douleur, une autre s’ébrouant vers l’amour, une autre encore, qui n’est pas décidée à vivre. Ses bronzes réalisent