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VERS D’AMOUR



III



Dis, les commencements d’amour sont les meilleurs !
C’est une impression, une réminiscence
De souffrance finie et de convalescence,
De malades guéris qui reviennent d’ailleurs.

Qui reviennent chez eux, dans leur maison rouverte,
S’appuyant l’un sur l’autre, incertains de leurs pas ;
Ils vont se regardant et parlant encor bas
À travers le jardin dont la pelouse est verte.

Ils gardent dans leurs yeux le soleil du Midi
Et dans l’eau du bassin ils se trouvent moins pâles,
Mais ils ont peur encore et se couvrent de châles
Lorsque le soir descend dans le parc attiédi.

Car sont-ils bien guéris ? Ne sont-ils plus malades
Du mal d’être trop seul et de ne pas aimer ?
Et leurs cœurs, doucement inquiets, vont semer
Leurs rêves dans le vent comme des sérénades !