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SOIRS DE PROVINCE


En fines lettres d’or, chaque nom des couvents
Sur les portes s’enroule autour des banderoles,
Noms charmants chuchotés par la lèvre des vents :
La maison de l’Amour, la maison des Corolles.

Les fenêtres surtout sont comme des autels
Où fleurissent toujours des géraniums roses,
Qui mettent, combinant leurs couleurs de pastels,
Comme un rêve de fleurs dans les fenêtres closes.

Fenêtres des couvents ! attirantes le soir
Avec leurs rideaux blancs, voiles de mariées
Qu’on voudrait soulever dans un bruit d’encensoir
Pour goûter vos baisers, lèvres appariées !

Mais ces femmes sont là, le cœur pacifié,
La chair morte, cousant dans l’exil de leurs chambres ;
Elles n’aiment que toi, pâle Crucifié,
Et regardent le ciel par les trous de tes membres !

Oh ! silence heureux de l’ouvroir aux grands murs,
Où l’on entend à peine un bruit de banc qui bouge,
Tandis qu’elles sont là, suivant, de leurs yeux purs,
Le sable en ruisseaux blonds sur le pavement rouge.