Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/112

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Alors ils restaient là, s’asseyant côte à côte
Sur la dune, des soirs entiers, dans l’herbe haute
Dont l’odeur capiteuse et les parfums puissants
Leur enflammaient la tête et leur grisaient les sens.
Brusquement, comme en proie à des accès de fièvres,
Ils auraient bien voulu dans l’ombre unir leurs lèvres,
Mais l’idylle était pure, et ce n’est qu’en partant
Qu’elle acceptait enfin de son beau prétendant
— En rougissant beaucoup de joie, un peu de honte —
Le long baiser d’amour qui lui servait d’à-compte !…

Car ils vont s’épouser ! sitôt après les bans,
Elle mettra bien vite un bonnet à rubans
Avec un châle long sur sa robe de laine,
Et pour la voir ainsi l’église sera pleine.
Puis lorsqu’après la messe, après s’être embrassé,
On aura jusqu’au soir mangé, bu, ri, dansé,
Avec tous les joyeux pêcheurs du voisinage,
Elle s’installera dans son petit ménage ;
Lui s’en retournera sur mer, le matelot;
Et tous deux s’aimeront, satisfaits de leur lot,
Et fiers de voir grandir dans leur foyer prospère
Des enfants beaux comme elle et forts comme le père !