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Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/131

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La Terre marche aussi dans la tiède atmosphère,
Comme un agneau de plus de ce troupeau divin
Que la lune attentive, ainsi qu’une bergère,
Par les champs de la nuit semble mener sans fin.

C’est une même loi qui lança dans le vide
Tous ces astres errants, voyageurs lumineux,
Et la Terre, creusant un sillage livide,
Roule fatalement dans son cercle comme eux.

Pourquoi donc supposer que seule elle est peuplée,
Elle la plus perdue au fond du firmament ;
Pourquoi ne pas chercher dans la voûte étoilée
Ces frères que l’esprit y voit confusément.

Dans ces globes lointains des hommes innombrables
Sont sans doute tordus de doute et de remord,
N’ayant pour adoucir leurs maux irréparables
Comme nous que l’Amour en attendant la Mort.

Mais s’ils étaient peuplés tous ces millions d’astres,
Nous ne serions plus rien que des spectres vivants ;
Nos triomphes, nos chants, nos plaintes, nos désastres,
Mourraient comme un appel d’oiseaux battus des vents !…