Page:Rodenbach - La Mer élégante, 1881.djvu/84

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Leur robe — rose ou bleu — qu’on achète très cher
Accuse le dessin de leur corps bien en chair
Pour montrer que la toile est digne de son cadre.

Autour d’elles on sent flotter des souffles mous
Et la foule s’entr’ouvre avec de longs remous
Pour les laisser passer comme passe une escadre.

On dirait des canots fleuris et pavoisés,
Et sur leurs souliers bas leurs jupons empesés
Claquent au vent, pareils à des voiles qu’on cargue.

Leur visage a les tons des pastels délicats,
Et sous le dais mignon et clair de leur en-cas
Elles toisent sans peur le monde qui les nargue.
 
Mais près de ce plaisir raffiné qu’il y a
À voir sur leur corsage un blanc camélia
Arrondir ses contours comme un vivant camée,

Il est une autre joie, un bonheur plus réel
C’est de sentir son cœur fondre comme du miel
Sous les yeux d’une femme aimante et bien-aimée !…