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XIII


Un lundi, après la coutumière réunion du soir chez le vieil antiquaire, Farazyn accompagna Borluut dans la direction de sa demeure. Ils s’attardèrent, cheminèrent au hasard, entraînés par le plaisir de causer, d’errer à la dérive au long des quais. Il y avait une légère brume dans l’air qui vêtait de prestiges frêles la ville nocturne. La lune, par minutes, se dégageait toute. Clair-obscur d’argent ! Et quelle féerie de voir soudain la lune regarder la lune dans l’eau !

Borluut et Farazyn, qui étaient déjà d’anciens amis, se sentaient les cœurs très proches, dans cette solitude d’ombre. Ils ranimèrent le passé commun, les longs souvenirs, leur première foi civique dont on avait constaté, ce soir-là, chez Van Hulle, le lent affaiblissement. La réunion d’aujourd’hui fut mélancolique.

On causa peu. Les paroles se traînaient. Il y avait chaque fois entre elles un silence, comme il y en a