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Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/146

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chambre de leur maître ; la vieille Pharaïlde, qui depuis plus de vingt ans était à son service, pleurait, de grosses larmes roulant, mettant des perles d’eau parmi les grains de son chapelet. Tout le monde s’agenouilla. Godelieve avait disposé un petit autel sur une commode, blanc reposoir ayant, pour nappe, ce voile en dentelle encore inachevé, qu’elle avait fait elle-même pour la Madone de sa rue, sans se douter qu’elle tissait, avec les fils de chaque journée, le voile d’agonie de son père. On y posa le ciboire. Les prières commencèrent, murmurées, confidentielles, vols à peine dépliés, paroles latines à ras du silence. Quand le prêtre oignit le front, les tempes, avec le saint chrême, l’agonisant eut de vagues contractions du visage. Était-ce un reste de sensibilité ? Barbe, qui était tout près, les nerfs tendus à se briser, refléta sur sa face toutes les alternatives, nature impressionnable comme un miroir, et qui vit de reflets.

Cependant l’officiant était allé prendre le ciboire sur le meuble. Il s’approcha du lit, l’hostie entre les doigts. Tous s’inclinèrent. La clochette de l’enfant de chœur à nouveau tinta, bruit aigu, et doux pourtant. Sonnerie frêle, goupillon du son qui aspergea un peu la chambre en prière.

Van Hulle avait eu la bouche dérangée pour le passage de l’hostie. Il sembla à ceux qui étaient le plus proche de son lit que, avant de se fermer, elle émit un vague chuchotement. Barbe apparut