Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/153

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Ah ! ces effrois des lendemains de la mort ! Et le souci du défunt lui-même, un scrupule de lui avoir mal fermé les yeux. Et la petite odeur implacable qui s’obstine, fade et têtue, dans les chambres : sueur d’agonie ou cire consumée.

Godelieve avait dû abandonner la vieille demeure de la rue des Corroyeurs-Noirs, mais pour un moment, crut-elle, le temps de laisser s’évaporer ses souvenirs, les tableaux et les relents funèbres. Maintenant des mois s’étaient écoulés, et l’arrangement provisoire semblait définitif.

Joris aussi avait été impressionné vivement par ces scènes de la mort. Cela arrive toujours quand on y assiste de près et qu’il s’agit de quelque proche. Chacun les rapporte à soi-même. On se voit à son tour gisant et pâle de la dernière pâleur. C’est tout à coup, au milieu du train de la vie, des ambitions, des chagrins, des affaires, la vision de la seule réalité. On confronte ce qu’on est avec ce qu’on sera. Joris, à vrai dire, pensait souvent à la mort. Il lui arrivait, quand il se trouvait devant une glace, de clore presque les yeux et de se regarder, à cause du recul et du pâlissement que donne un miroir, avec déjà le visage simplifié et exsangue qu’il aura, mort !

Pourtant, la fin de Van Hulle l’avait troublé d’un émoi plus grand. Ç’avait été pour lui comme un exemple, une leçon solennelle, au bord de la tombe. Il se rappela, durant des semaines, les visions dernières de l’antiquaire, qui avaient dû enchanter son