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VIII


Joris avait fait ce rêve d’emmener Godelieve dans la tour. C’est le penchant de tous les amants de se montrer les lieux où ils vivent. Il faut qu’ils n’ignorent rien l’un de l’autre. Et la présence chère va sacrer le décor. Certes, Godelieve accepta avec joie le projet, non pas tant pour le plaisir de visiter le mystérieux beffroi, ni même pour entendre de plus près le jeu du carillon, voir Joris s’installer au clavier, faire éclore ces nostalgiques fleurs de son dont elle n’avait connu jusqu’ici que l’effeuillement sur elle et sur la ville. C’était surtout parce qu’elle entrerait ainsi un peu plus encore dans la vie de Joris, verrait cette chambre de verre dont il parlait souvent, qu’il appelait la chambre la plus intime de sa vie, et où il avait dû tant penser, regretter, espérer, souffrir sans doute. Il y aurait là, dans l’air enclos, quelque chose de lui qu’elle ne savait pas encore.

Pourtant, elle était tourmentée d’une inquiétude :