Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/231

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l’avait reprise. Est-ce qu’elle n’appartenait pas aussi à Dieu ? Elle céda, par commisération, au désir de Joris, et pour faire son cœur moins triste. Il ne fallait pas plus longtemps contrister le cœur de Dieu. Dieu s’était montré si magnanime. Il la sauva — et les sauva avec elle — d’un mal qui aurait été un triple désastre, un amas de ruines autour d’un berceau. Elle devait, en retour, ne plus offenser Dieu ni retomber dans le péché. Elle l’avait promis à son confesseur qui si sagement rétablit l’ordre dans son âme, lui donna des conseils et un nouveau plan de vie.

Joris, lui, continuait à chercher ses mains et ses lèvres, au hasard des rencontres dans l’escalier et les corridors. Godelieve se dérobait, repoussait d’un ferme et doux geste. Il s’obstinait aussi à lui écrire, plus passionné de se sentir si distant en étant si proche, pathétique de toutes les récentes angoisses partagées, du sentiment d’une petite mort d’eux-mêmes dans ce qui, peut-être, n’avait jamais été. Mais elle ne répondait guère ; elle lui glissa tout au plus, parfois, une courte lettre assagie, encourageant son âme, se nommant sa sœur aînée et sa morte, parlant de l’avenir avec l’espoir possible qu’ils se réuniraient un jour, s’il plaisait à Dieu, non plus dans le péché, mais dans la joie et les liens permis.