Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/248

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lui avait fait mal autant que l’excès de la violence. Aucune des deux n’était digne d’entraver et d’empêcher son avenir. Il se haussa à l’art, aux espoirs commencés, aux nobles buts. L’amour de la femme est fallacieux et vain !

Il s’en retourna à l’amour de la ville. Cet amour-ci, du moins, ne trompait point et ne faisait pas souffrir. Il allait jusqu’à la mort ! Joris se ressouvint, dans ce temps-là, de la fin de Van Hulle et du vieux cri d’extase par qui s’était révélé l’accomplissement, à l’heure de la mort, du rêve fidèle de sa vie : « Elles ont sonné ! » Pour se mériter son idéal, il faut ainsi s’y vouer exclusivement.

Lui avait trahi son amour pour Bruges. Peut-être y avait-il moyen, par le redoublement de son zèle, d’en effacer l’interruption ? Il se remit à l’œuvre avec ardeur. Il avait mieux à faire que de larmoyer sur des caprices de femmes et des amours mortes. Il fallait continuer sa propre destinée, sa vocation et sa mission. Ses travaux furent repris, des façades ressuscitèrent.

Grâce à lui, on recommença à réparer, reconstituer, ressusciter les vieux palais, les anciennes demeures, tout ce qui ennoblit les villes, intercale du rêve dans les rues, met des visages de passé entre les bâtisses neuves. De nouveau, Joris s’exalta pour son œuvre, car la beauté d’une ville est une œuvre d’art à réaliser, où il faut une harmonie, le sens des ensembles, une entente de la ligne et de