Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/284

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moyen de leur cendre, ouvrir toutes les sortes de serrures et se rendre invulnérable à la guerre. Mais il ne put se prémunir contre les coups de Dieu. Il fut arrêté et brûlé vif avec son complice, en punition de leur sacrilège, qui se compliquait de manœuvres mystérieuses où les juges reconnurent l’œuvre de satanisme et de magie.

En expiation, les Capucins fondèrent cette procession de la Pénitence, et chargèrent de son organisation la Confrérie de la Sodalité qui, depuis cette date, n’a jamais manqué de la faire sortir chaque année.

Rien n’a changé à travers les âges. C’est le même cérémonial, la même composition de scènes et de groupes, les mêmes trous de cagoules où s’enchâssent les yeux des générations successives, le même texte, tout un poème versifié en flamand rauque et dur, qui se déclame par les rues et occupe les bouches, de siècle en siècle. Borluut n’avait jamais vu l’extraordinaire procession où la vieille Flandre s’atteste tout intacte et se continue.

Il arriva la veille dans la petite ville morte, tout à l’Ouest. Il y venait surtout pour Godelieve, comme s’il allait jouer sa vie, risquer une dernière fois son avenir dans un hasard. Pourtant le décor l’accapara, le détourna un moment de lui-même.

Tout s’unifiait en une harmonie de mélancolies : l’hôtel même où il était descendu portait cette enseigne : « À la Noble Rose », enseigne royale et