Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/286

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quinconce, planté de quelques vieux arbres, silencieux et mélancolique comme un enclos de béguines. Aucun bruit n’arrivait. Le site était gris, d’une humidité d’automne éternelle comme si, là, c’était toujours novembre. Les feuilles, aux branches, semblaient ne tenir qu’à peine, être prêtes à partir, toutes pâles à cause de l’ombre, sur elles, de la haute église. Celle-ci carrait sa masse fruste ; il y avait des portes bouchées, des passages aveugles, des maçonneries scellées de cadenas barbares, qu’on n’avait plus ouverts depuis des siècles et qui menaient vers on ne sait quelle crypte ou quelles oubliettes.

Des vitraux verdâtres occupaient les hautes fenêtres en ogive. On aurait dit des pièces d’eau, que plus rien ne fait se plisser, frissonner. Une odeur de moisissure affadissait l’air. De grandes taches roses et vertes, un tatouage vénéneux, toute une polychromie faite de déchéance et de pluie, couvraient les murs extérieurs de l’église. Peut-être qu’un cimetière, jadis, avait existé dans cette herbe. Alors c’étaient les marbrures mêmes de la décomposition qui s’éternisaient là, la chimie de la mort qui avait passé dans les pierres…

L’ennui de vivre planait.

Borluut pénétra dans l’église déjà presque noyée de ténèbres. La même odeur de moisi s’invétérait. Des Madones au visage noir s’effaçaient sur les autels. On aurait dit qu’elles avaient vécu vraiment