Page:Rodenbach - Le Carillonneur, Charpentier, 1897.djvu/294

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comme des courtisanes, tenant chacune dans les mains des bijoux énormes. Une inscription, offerte par un pénitent, disait : « Femmes portant les bijoux de Marie-Madeleine. »

Joris s’impressionna de la troublante idée, une idée de complainte et d’image populaire.

D’ailleurs tous les attributs, figurant là, évoquaient ainsi, résumaient puissamment, constituaient un raccourci ou une allégorie, attestaient ce sens flamand de comprendre la vie des choses.

Le Portement de la Croix, qui était la scène essentielle de la procession, se prépara aussi par des emblèmes annonciateurs : des anges et des pénitents se succédèrent, portant la lanterne, l’aiguière de Pilate, le linge de Véronique, une éponge, une clepsydre, le voile du temple déchiré, un marteau, trois clous, une couronne d’épines. C’était, par avance, tout l’appareil de la Passion, les instruments du supplice, les signes figuratifs, plus tragiques d’apparaître nus et comme s’ils signifiaient seulement l’arabesque d’une destinée, ce qui la fixe et en subsiste.

Bientôt un violent tumulte éclata. Les trompes sonnèrent plus fort, mêlées à des cris d’impatience et de colère. Des soldats romains aux manteaux écarlates caracolaient. Il y eut un éclair, qui était la lance de Longin. Des juifs suivaient, avec des piques et d’autres armes ; puis les bourreaux, avec des échelles, des torches. Le cortège tumultueux s’encombra. On entendit des apostrophes furibondes. La foule entière