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Après une visite à l’Abbaye de Maredsous.


Sombres moines ! perdus au fond d’un monastère,
Inclinés devant Dieu comme des encensoirs,
En faisant votre temps douloureux sur la terre
Vous portez votre deuil dans vos longs manteaux noirs.

Pareils à ces lions à la fauve crinière
Offerts dans une cage aux mépris des passants,
Vous allez et venez sous ces voûtes de pierre
Qui frémissent au bruit de vos pas languissants.

Mornes, vous promenez sur le marbre des dalles
Votre exil volontaire et votre soif de Dieu ;
Vous usez, à marcher, le cuir de vos sandales,
Vous usez, à prier, vos deux lèvres en feu.

Sous le rayon tremblant d’une lampe de cuivre,
Vous usez votre œil terne aux âpres voluptés
De regarder la croix, où Jésus-Christ se livre,
Et vous tend dans la nuit ses bras ensanglantés !