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Page:Rodenbach - Le Mirage, 1901.djvu/100

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l’un et l’autre à la fois. Je suis enchaîné à cette Jane par tout ce qu’il y a de boue originelle dans sa chair, et je reste uni à ma morte par tout ce qu’il y a de lumière première dans mon âme. Je suis trop humain — et trop divin.

JORIS.

C’est la vie.

HUGHES.

Alors, elle est affreuse, la vie ! Et cette Jane me l’a rendue plus affreuse. Dire que je cherchais l’autre en elle !… Et qu’elle a le même visage avec une âme d’enfer !… L’autre, si pure, si bonne !… C’est même ce qui m’afflige le plus en ce moment, d’avoir profané sa mémoire. J’ai des remords… Je me sens en faute… Je l’ai contristée… je le sais.

JORIS.

Les morts nous oublient vite, soyez sûr, en supposant qu’ils se survivent. Aussi vite que nous, les vivants, nous les oublions.