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Page:Rodenbach - Le Miroir du ciel natal, 1898.djvu/115

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VI

Le jet d’eau dans le soir monte, lancéolé,
Frêle lance d’eau pâle en un parc désolé,
Où l’ombre, aux marbres blancs, s’est tressée en épines.
Un coq lointain pousse son cri de trahison ;
Et les pieds de Judas font pleurer le gazon ;
Tout s’abandonne à des douleurs comme divines ;
Le passant qui se signe est en forme de croix ;
L’eau de l’étang qui rêve a l’air soudain salie
D’un vase d’amertume avec toute sa lie ;
Or la lune a surgi dans l’ombre qui s’accroît ;
C’est comme une blessure au milieu du silence
Par où coule le sang de la nuit en ruisseau ;
La lune saigne, il semble, à cause du jet d’eau ;
Et c’est la plaie, au flanc, ouverte par la Lance.