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LES FEMMES EN MANTE


Trop courte joie, hélas ! qu’interrompent les mantes !
La rue était déjà blanche comme un parloir ;
Mais revoici venir les mantes inclémentes
Qui tachent ces blancheurs de leur noir nonchaloir.




La rue était aussi blanche comme un dortoir,
Tel qu’il en est d’angéliques au béguinage ;
Mais revoici passer les mantes en voyage ;
Ô le parloir, ô le dortoir, tachés de noir.




La neige n’est plus gaie et s’afflige en voyant
Les mantes affluer en lents itinéraires
Servantes de la Mort, Pleureuses la souillant,
Qui semblent apprêter des pompes funéraires.




C’est un deuil blanc d’enfant qu’elle-même suggère…
Est-elle faite encor de flocons ? Ah ! voyez !
C’est plutôt le duvet et les plumes légères
Des cygnes qui, mourant, s’y seraient effeuillés !

5.