Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/31

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Nocturne


 
On a des jours faits d’ombre et de mélancolie
Et d’inexprimable dégoût,
Où le cœur se repaît du passé qu’on oublie
Comme d’un fruit perdu dont on garde le goût.

Un sang vif et fiévreux vous bat contre les tempes :
Comme une mer sur des galets ;
On trouve dans son cœur à peine quelques lampes :
C’est la chambre funèbre où sont clos les volets ;

C’est la chambre où, dans l’ombre, en mystiques toilettes
Dorment tous nos espoirs brisés ;
Gardant sur le rigide aspect de leurs squelettes
La forme et le parfum de nos anciens baisers.