Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/38

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Et découvrait le bout de sa bottine noire …
Que dirai-je encor ?… C’est l’éternelle histoire
Des amants qui s’en vont dans les sentiers fleuris :
Les premières rougeurs et les aveux surpris
Quand on marche à pas lents, en se touchant l’épaule,
Le long des buissons verts dont la branche vous frôle ;
Les fossés où l’on trempe en frissonnant la main,
Les petits ponts de bois qu’on rencontre en chemin
Et sur lesquels on marche en se tenant ensemble ;
Le rire peu fréquent, mais si joyeux qu’il semble
Dans sa vibration égayer les échos ;
Les jeux dans les bluets et les coquelicots ;
Les papillons qu’on chasse et les bouquets qu’on cueille ;
La chaumière où le vieux paysan vous accueille
Avec un geste gauche en ôtant son bonnet ;
La tasse de lait chaud qu’on boit et qui vous met
Sur la lèvre qui rit ses fines perles blanches ;
Puis enfin le retour attendri sous les branches
— Avec tous les amis qu’on rejoint à regret —
Vers la maison de l’hôte où le dîner est prêt !…

Je me rappelle tous les détails de l’idylle :
La barque que l’on prenait pour tourner le coin d’île,
Les longs regards furtifs dans l’ombre du sentier,