Page:Rodenbach - Les Tristesses, 1879.djvu/67

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Comme pour retrouver dans chaque âme de rose,
Quand elle serait seule à Paris, quelque chose
Des parfums du pays et des pleurs de l’exil !…

Le père, en la menant jusqu’au bout du village,
Lui dit qu’elle était belle et qu’elle était à l’âge
Où, comme autour des fleurs volent les papillons,
Les hommes roderaient tendrement autour d’elle ;
Mais qu’il fallait garder son corps chaste et fidèle
Pour garder à ses yeux leur flamme et leurs rayons.

Qu’elle devait tenir à la foi de sa mère,
Car Dieu console bien dans cette vie amère ;
Et verrouiller son cœur, — le bon vieux se fâchait ! —
Comme pour les voleurs on verrouille sa porte,
A ces voleurs d’amour qu’un coup de vent emporte
Loin du corps violé qu’ils ont pris pour hochet !…

Enfin le train partit… et l’on ne causa guère
Le soir dans la maison si joyeuse naguère ;
Et tous les jours suivants, les petits écoliers,
En arrivant en classe où nul d’entre eux ne bouge,
Étaient surpris de voir au maître l’œil si rouge
Quand il leur adressait ses bonjours familiers !…