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LA PENSÉE DANS L’ART


Un dimanche matin, me trouvant avec Rodin dans son atelier, je m’arrêtai devant le moulage d’une de ses œuvres les plus saisissantes.

C’est une belle jeune femme dont le corps se tord douloureusement. Elle paraît en proie à un tourment mystérieux. Sa tête est profondément inclinée. Ses lèvres et ses paupières sont closes, et l’on pourrait croire qu’elle dort. Mais l’angoisse de ses traits révèle la dramatique contention de son esprit.

Ce qui achève de surprendre, quand on la regarde, c’est qu’elle n’a ni bras ni jambes. Il semble que le sculpteur les ait brisés, dans un accès de mécontentement contre lui-même. Et l’on ne peut