Page:Rodin - L’Art, 1911, éd. Gsell.djvu/222

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fournir à l’émotion qu’un prétexte à se développer indéfiniment.


À ce moment, j’étais devant un groupe de marbre qui représentait Pygmalion et sa statue. Le sculpteur antique enlaçait passionnément son œuvre qui s’animait sous son étreinte.

Et tout à coup Rodin :


— Je vais vous surprendre. Il faut que je vous montre la première ébauche de cette composition.


Là-dessus, il me conduisit vers un moulage de plâtre.

Surpris, je le fus en effet. L’œuvre qu’il me faisait voir n’avait aucun rapport avec la fable de Pygmalion. C’était un faune cornu et velu qui enserrait fougueusement une nymphe pantelante. Les lignes générales étaient à peu près les mêmes, mais le sujet était très différent.

Rodin semblait s’amuser de mon étonnement silencieux.

Cette révélation était pour moi quelque peu déconcertante ; car, contrairement à tout ce que je venais de voir et d’entendre, mon hôte me prouvait