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Page:Rodrigues - Midraschim et fabliaux.djvu/50

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C’est pendant le dîner qu’on passe la moutarde ;
Mais avant, mais après, il n’en faut point offrir :
Quand le fruit est trop vert, ou trop mûr, on s’en garde,
On laisse le premier mûrir, l’autre périr.

Témoin ces deux époux qui s’aimaient d’amour tendre,
Et qui, se disputant du matin jusqu’au soir
Sur l’enfant à venir, ne purent pas s’entendre,
S’entendant toutefois très bien pour en avoir.

Le mari dit : un jour, mon fils sera notaire.
— Quoi notaire, allons donc ! pour moi, j’ai le désir
Que mon fils soit poète, artiste ou militaire,
Mais notaire, jamais, j’aimerais mieux mourir.

Le mari, du notaire exalta les délices :
Estimé, consulté, prudent, homme de bien,
Tandis que du poète il blâmait les caprices,
Disant, pour l’achever : c’est un musicien.

Rossignol sur un arbre, il enchante l’oreille,
Mais il n’en reste rien après ; ce n’est qu’un bec
Possédant de beaux bruits, les poussant à merveille,
Mais dépourvus de sens et creux comme un fruit sec.