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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

des armes, des munitions et des approvisionnemens. Les Espagnols, ainsi que le gouvernement de France, désiraient la contre-révolution ; l’Angleterre voulait y ajouter la ruine du gouvernement français. Les agitations de la colonie de Saint-Domingue fermentaient déjà, et les négrophiles ne pouvaient voir avec indifférence ces hardis symptômes.

Le comte de Cerda, que la misère arrachait à son apathie habituelle, comprit tout de suite le rôle qu’il pouvait jouer dans ce drame qui devait ruiner la plus admirable possession française. Irrité contre son pays, il jura de s’en venger et de ne rentrer qu’en maître sur ce sol, dont pour ainsi dire on avait tari devant lui les veines d’or. La fermeture des mines de la colonie, les mépris de l’évêque son parent, son emprisonnement et plus que tout cela les maux inouïs que son amour lui avait fait souffrir sur ce sol maudit, concouraient à affermir chez lui une épouvantable résolution, celle de se mêler ténébreusement aux conspirateurs de France, aux hommes de couleur, pour fomenter la ruine de son pays. Il avait toujours rêvé la supériorité féodale dans un château ceint de tours, les richesses d’Ovando et la future soumission de Mme de Langey, en ces lieux mêmes où elle l’avait vu ramper !

Ces illusions d’un cœur ulcéré avaient la chance à ses yeux de devenir enfin une réalité triomphante. Le comte de Cerda pourrait donc remettre le pied en vainqueur sur cette terre qui l’avait traité en vaincu ! Les gens de couleur, auxquels il ne rougit pas d’ouvrir sa porte, ne tardèrent pas à se rassembler chez