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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

le cachet de ses armes, preuve unique de la noblesse héréditaire de sa maison, héroïque débris sauvé des pourchasses des officiers et des dragons jaunes de Saint-Domingue !… Pressé par le besoin, il le porta un jour chez Boehmer. Boehmer le confronta avec un plat magnifiquement ciselé qui provenait de la vente d’un ambassadeur d’Espagne, allié au sixième degré à la maison de Cerda. Cette découverte le mit bientôt en rapport avec l’Espagnol. Boehmer était un artiste d’imagination, et nul mieux que le comte de Cerda ne s’entendait à éveiller l’imagination des autres… La connaissance qu’il semblait avoir des pierreries et surtout des localités de Saint-Domingue éblouit Boehmer, qui ne tarda pas à se repaître avec délices des fables merveilleuses que l’Espagnol lui débita sur le Morne-Rouge. Là devaient dormir des trésors sans nombre, enfouis depuis les persécutions du gouvernement espagnol et le comblement des mines. L’Espagnol paraissait connaître la voie la plus sûre pour ces découvertes ; il s’occupait lui-même de chimie, et il en causa avec Boehmer. Boehmer l’écouta avidement et comme un homme qui, malgré sa richesse, rêve toujours la fortune. Peu à peu le comte le persuada, au point qu’il le fit entrer jusque dans ses idées de haine contre son pays ; le bouleversement étant, disait-il, le plus sûr moyen pour couvrir le projet de fortune qu’ils méditaient et qui devait leur profiter à tous deux.

Le joaillier n’avait pas encore été dupe ; il donna dans le piége avec une merveilleuse facilité. Pour assurer les desseins du comte de Cerda, il lui aban-