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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

La même voix, jetant bientôt dans son âme un trouble inconnu, lui avait appris un secret que suivent d’ordinaire le bonheur et les caresses, elle lui avait crié : « Je suis ton père ! » et cependant après ce cri, le chevalier s’était trouvé seul et délaissé comme auparavant…

Ce glaive une fois tombé de ses mains, — sa porte ne s’était point ouverte à ces deux nouveaux visiteurs, son père et son frère ; nul n’était venu ; il semblait en vérité que tout cela fût un rêve ou tout au moins une combinaison adroite par laquelle on eût voulu arracher Maurice de Langey, son agresseur, à un péril trop certain. La pièce jouée, Saint-Georges redevenait un mystérieux anneau entre ces trois destinées, — un rouage utile, — une sorte de bouclier en cas d’attaque ; mais qu’y gagnait-il en vérité ? sinon d’avoir obligé des ingrats ?

Le sang du chevalier bouillonnait dans ses veines à cette dernière pensée. Transporté violemment dans un nouvel ordre de perceptions morales, son cerveau éprouvait les mêmes secousses que celles qui produisent l’étonnement du sauvage aux premières notions du vrai ou du faux, du juste ou de l’injuste. Quel passage en effet que celui de la situation décidée où il se trouvait avant la visite de M. de Boullogne, aux mouvemens tumultueux qui lui avaient succédé ! Il reconnaissait un père dans un homme pour lequel il n’avait éprouvé jusque-là aucune sympathie. Il voyait ce vieillard retranché dans un misérable orgueil, hésitant à le nommer son fils, inexorable envers ses remords et son cœur. Serait-ce désormais un