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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

de cravate ou de placer un bouquet à sa boutonnière, il ne pouyait faire un conspirateur dangereux. Le duc d’Orléans conçut toutefois la pensée de se servir de Saint-Georges à son insu ; il mit la bassesse de ses projets à l’abri de son élégance. Depuis que ce prince ne paraissait plus à la cour et qu’il avait rompu avec les plaisirs de Versailles, ses démarches étaient à nu ; il lui fallait, pour pallier son voyage d’Angleterre, un homme qui pût détourner les yeux de lui et accaparer à lui seul l’attention publique. Ce fut Saint-Georges que le duc d’Orléans choisit pour jouer ce rôle, Saint-Georges enthousiasmé lui-même depuis longtemps des mœurs anglaises, car ce n’était pas la première fois que le chevalier allait à Londres. Tout le temps de cette route, le duc entretint Saint-Georges, comme pour lui donner le change, de toutes les frivolités de la mode, des courses, des paris, des habits de quaker, d’un assaut à Carlton-House, de l’Opéra anglais et des jolies marchandes de Sipafields. Le voyant rêveur, il lui rappela ses succès, ses bonnes fortunes, ses traits d’adresse ; il l’assura qu’il effacerait Franklin, bien que ce docteur, avec son chapeau blanc et ses lunettes vertes, eût juré au peuple qu’il avait le secret de mettre la foudre en bouteilles. Le duc lui promit de le présenter au prince de Galles[1], à la reine et aux seigneurs ; il s’agissait, disait-il, de réformes à introduire dans notre costume français : une extrême simplicité devait être substituée tout d’un coup à l’or et aux broderies. C’était à

  1. Depuis Georges IV.