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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Georges eût rougi de devoir à la pitié de ce prince quelques secours nécessaires ; c’était assez pour lui d’avoir voyagé avec le duc, il se souvenait de Wapping.

Ce n’était point pour la foule, mais pour la reine qu’il était venu. L’habit qu’il portait, il l’avait loué ; le faste en lambeaux de son heiduque, c’était sa réponse aux calomnies journalières qui l’accusaient d’être subventionné par d’Orléans. Avec quelle tristesse ne revit-il point Versailles ; Versailles, où la reine elle-même l’avait fait entrer autrefois par la main, par la même porte que Gluck ; Versailles, où par un singulier hasard le premier morceau de musique qu’il avait chanté au clavecin de la reine avait été celui-ci, noté par le divin Cimarosa :

Se mai senti spirarti sul volto
Lieve fiato che lento s’aggiri
Di, son questi gl’estremi sospiri
Del tuo fido che muore per te
[1] !

Quelle opinion devait avoir de lui cette royale hôtesse, cette femme qu’il n’avait fait qu’entrevoir dans ses jardins aussi belle que l’Armide de son maître Gluck ? Pouvait-elle ignorer que le duc d’Orléans lui avait ouvert aussi son palais, devait-elle le voir sous un autre aspect que sous celui d’un ennemi et d’un traître ? Tourmenté de ces pensées, Saint-Georges allait au-devant de quelque incident étrange ; il aurait voulu revêtir le corps de l’un de ces anges aimés de

  1. Stances de Métastase.