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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

tion, la soirée de la marquise n’avait pas tardé à produire sur lui l’effet d’une hallucination confuse. Il ne lui en demeurait qu’une sorte de perception lourde ; il entrevoyait comme à travers un brouillard les principaux traits de cette soirée : le mulâtre, son regard pétrifié, l’habit rouge qu’il portait, la bague d’Agathe qu’il avait au doigt…

Il s’était jeté quelques secondes sur son lit, mais sans pouvoir trouver le sommeil, l’image de Saint-Georges et celle d’Agathe passant et repassant comme deux ombres sardoniques devant ses yeux.

Résolu de voir Mlle de La Haye, il se leva ; la chambre où l’avait enfermé M. de Boullogne donnait sur la cour. Il avait vu le suisse la traverser précipitamment à cause de la pluie, mais il avait eu le temps de l’appeler. Le brave homme s’était approché du mur comme Blondel de la tour du roi Richard.

— Trois louis pour toi si tu m’ouvres ! lui avait crié Maurice, en ayant soin d’assourdir le plus possible l’éclat de sa voix.

Il n’y a pas de suisse, fût-ce celui d’un contrôleur général, qui résiste à l’appât de trois louis. Le jeune homme eut bientôt franchi la grille de l’hôtel Boullogne.

Depuis l’aventure du bal de l’Opéra, il avait jugé prudent de placer Agathe dans une maison qui pût dépayser les recherches… La vieille gouvernante de sa mère en possédait une dans la rue de l’Oratoire. En attendant que son mariage eût lieu, le marquis