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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

verdâtre de la lune, il était facile de reconnaître l’action de la fonte : les noirs avaient trafiqué déjà de ces opulens débris de la Rose. Le délabrement était complet… Au sein de quelques fourrés lointains scintillaient çà et là de vives lumières qui faisaient reluire le mousquet des sentinelles chargées de veiller sur cette portion de la plaine. L’empreinte meurtrière du pillage était inhérente à ce domaine autrefois si beau, maintenant jonché de ronces et laissant voir le ciel à travers mille fissures.

Le personnage dont nous avons parlé examinait les moindres détails de cette dévastation profonde avec un minutieux intérêt…

Et l’on eût dit vraiment qu’il ne pouvait s’arracher à ce tableau, car de temps à autre un sourire de satisfaction errait sur ses lèvres.

Il tira bientôt de la sacoche suspendue à son cheval plusieurs paquets de lettres cachetées que venait de lui remettre un nègre du Cap ; il en brisa les scels avec une anxiété visible, comme si ces nouvelles eussent été pour lui d’un grand prix.

En refermant une large missive timbrée de France et marquée d’un cachet de cire noire, il soupira.

— Je ne l’attendrai plus ici !… murmura-t-il. Et il essuya une larme sur sa joue brune…

Il regarda bientôt du côté de l’Ouest ; quelques clameurs sourdes partaient de cette direction. L’homme écouta et ne tarda pas à se voir rejoint par une foule de noirs, accoutrés grotesquement pour la plupart ; ils brandissaient des torches et des coutelas entre leurs mains.