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LA SAINT-LOUIS.

voitures qu’on attendait de Versailles ramèneraient la famille royale aux Tuileries.

L’acteur choisi par le duc d’Orléans pour ce misérable rôle, l’homme chargé de faire ce soir-là des ennemis à la cour et des prosélytes au premier prince du sang, c’était Laclos !

Oui, Laclos, l’auteur des Liaisons dangereuses ! Saint-Georges ne tarda pas à le reconnaître à sa voix ; car Laclos ne pouvait si bien la déguiser que le chevalier ne se ressouvînt d’avoir entendu quelque part cet organe rauque, usé par le vin et la débauche. Le génie de Laclos choisissait le mal par système ; la fange dont son âme était pétrie lui faisait voir une simple mascarade dans ce vil complot. La vue de cet homme, soudoyant ainsi le peuple comme un laquais après l’avoir perverti comme écrivain, souleva le cœur de Saint-Georges ; il se hâta de fuir ce Judas rampant, à qui d’Orléans serait redevable ce soir-là d’une infamie… Saint-Georges avait échangé au théâtre quelques travaux littéraires avec Laclos[1] ; il songea avec épouvante que sa lâcheté subalterne serait un jour de l’histoire…

  1. Voici le titre des opéras de Saint-Georges, opéras dont la faiblesse des paroles empêcha presque constamment le succès :

    Ernestine, paroles de Laclos, représentée au mois de juin 1777. On trouva dans cette musique de la grâce, de la finesse, mais peu de caractère et de variété. Elle ne survécut pas à la première représentation. Il en fut de même de la Chasse, dont Saint-Georges avait composé la partition. Il donna encore avec Desmaillot, auteur des paroles, la Fille garçon, comédie mêlée d’ariettes. Cette pièce obtint plus de vogue : la musique était mieux écrite qu’aucune autre des compositions de Saint-