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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

— Moi-même, répondit-elle en reculant de quelques pas, comme si le regard du mulâtre l’eût terrassée…

— Que voulez-vous de moi, madame, et qui vous amène en ce lieu ?

— La vie de mon fils, monsieur, balbutia-t-elle en tremblant ; sa vie est en péril, il doit se battre avec vous !

— Il ne pouvait, madame, m’insulter plus gravement qu’en me faisant souvenir que vous m’aviez insulté vous-même…

La créole garda le silence.

Vous étiez alors un enfant, monsieur, reprit-elle après une pause ; aujourd’hui vous ne pouvez faire porter à mon fils la peine de mes torts… Il n’est pas besoin de vous dire qu’il ignore ma démarche… Votre seule réputation dans les armes est faite pour augmenter les inquiétudes d’une mère ; par pitié, monsieur, dites-moi que vous ne vous battrez point avec mon fils !

— Les jours de cet enfant, répondit Saint-Georges avec une lente ironie, sont liés, je le vois, madame, très-intimement à vos jours. Croyez-le, j’admire l’abnégation de votre courage maternel. Quoi ! vous daignez aujourd’hui vous souvenir d’un esclave que vous aviez autrefois à Saint-Domingue ? Vous la marquise de Langey, vous vous rappelez ce mulâtre qui, dans la vallée de l’Oya, a sauvé la vie à votre fils ? En plein jour, devant tous, vous franchissez le seuil de sa maison, pour venir le supplier ! Voilà qui est noble, voilà qui est grand, voilà qui est généreux ! Par mal-