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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges, v3, 1840.djvu/37

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LE PALAIS-ROYAL

contrariété plus vive encore que ses discours. Heureuse de faire valoir l’extérieur et les talens de Saint-Georges, son protégé, devant quelques-unes de ses amies qui avaient les grandes entrées au palais, mais que diverses absences dans leurs terres avaient jusque-là privées d’en jouir, elle avait préparé, à l’insu du duc d’Orléans, un ambigu dont elle n’avait dit mot à personne. La marquise espérait que, retenu dans les coulisses de l’Opéra par Mlle Allard, dont le prince semblait depuis longtemps très-épris, il céderait à la proposition adroite d’un souper, faite par M. de Durfort, son premier gentilhomme de la chambre, et Mme d’Osmond, qui l’accompagnaient.

En historien consciencieux, nous devons dire que rien de coupable ne devait avoir lieu à cette collation préméditée par Mme de Montesson ; seulement la goinfrerie de son altesse royale était connue, ainsi que son goût pour certaines comédies licencieuses renouvelées de son grand-père le régent, Mme de Montesson avait jugé convenable de l’éloigner. En s’affranchissant de sa présence, elle se laissait d’ailleurs à elle-même plus de liberté avec son amant.

Cet amant, c’était Saint-Georges.

Comment un mulâtre, un homme que la seule couleur de son épiderme eût fait exclure avec violence de la société française sous les règnes précédens, se trouvait-il parvenu à ce singulier favoritisme ? C’est ce que le caprice de Mme de Montesson, la maîtresse-épouse d’un prince du sang, pour un homme bien fait pouvait s’expliquer à elle-même, mais ce que la coterie du Palais-Royal même, après