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DEUX BAPTÊMES.

que dans la société civile ? son cerveau étroit est mesuré au compas, il n’y a pour lui ni naissance, ni décès, ni mariage. Affranchi par l’ablution chrétienne, le noir n’en resterait pas moins un ilote[1].

Mais la religion chrétienne se rit de la loi des hommes ; alors comme aujourd’hui elle ouvrait ses bras à tant de misères. Ses rayons, si rares que l’incrédulité les eût faits, pénétraient encore le fond des savanes ; ils y portaient l’espérance et le remède aux maux violens. Considérée comme contre-poids au fouet, à la torture, l’indulgence naturelle au prêtre, à l’homme de Dieu, paraissait à quelques-uns de ces opprimés un véritable refuge. La loi civile ne se produisait jamais à l’œil du noir qu’armée de paroles menaçantes et de supplices ; la loi chrétienne l’abritait, souvent même elle était assez courageuse pour intercéder en sa faveur. Merci ! répondait l’esclave au prêtre. C’était à Dieu que l’esclave eût dû répondre merci ! mais il ne connaissait que l’idée palpable, le sacerdoce. Chez ce clergé d’alors ce n’était pourtant déjà plus la même foi, la même charité ardente, le même amour véhément qui dirigeait les anciens missionnaires ! Le sang de ces premiers martyrs, aussi inspirés que Paul, accourus de toutes parts sur cette

  1. Des législateurs de la Caroline du Sud ont bien senti toute la portée du principe moral dont le christianisme renferme le germe, car dans l’un des premiers articles du code qui organise l’esclavage, ils ont pris soin de déclarer en termes formels que l’esclave qui recevra le baptême ne deviendra pas libre par ce seul fait. (Lois de la Caroline du Sud. — Brevard’s Digest, page 229, tome.2, vo Slaves, § 3.)