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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

dans sa prison et a détaché ses liens, à la condition qu’il deviendrait son serviteur. Pour cela, il était nécessaire à Zäo de quitter les blancs, et c’est ce qu’il a accompli à l’aide de Dompête et de moi. Après lui avoir imprimé son image sur le bras gauche, je l’ai dévoué à notre culte solennel ; vous ne le reverrez qu’aux temps voulus. Adieu, fille et mère de ma tribu ; Dompête vous protège ! Pour vous consoler et vous redonner la force, voici une tortue représentant un soleil sur sa carapace ; Zäo m’ordonne de vous la laisser. »

Sur le rebord de la fenêtre et auprès de la tortue de Zäo on voyait encore les arêtes de poisson à l’aide desquelles le vaudou avait tatoué le jeune homme. Le sang du néophyte les arrosait ; il y avait aussi des taches de ce sang sur les nattes. Les noirs avaient écouté la lecture avec une admiration stupide ; ils croyaient voir Dompête, leur dieu, dans chaque recoin de la chambre. Noëmi, prosternée aux pieds de Joseph Platon, ne protestait que d’une chose, c’est qu’elle avait été étrangère à la fuite de Zäo. M. Printemps, assuré que le fugitif ne pouvait manquer d’être saisi, venait de mettre à sa poursuite plusieurs nègres et les molosses de la bananerie. Malgré l’obscurité, il espérait bientôt s’en rendre maître ; d’ailleurs, la disette de vivres le forcerait bientôt à revenir sur l’habitation de la Rose pour obtenir sa grâce. Ainsi raisonnait le vénérable M. Printemps, faisant valoir en outre au gérant un motif de consolation très-rassurant, suivant lui, c’est que Zäo, comme tous les nègres esclaves, était sans nul doute étampé sur le