Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/138

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

Au récit de ces nouvelles, que celui qui parlait eut soin de faire sonner haut, afin que les dames de la compagnie l’entendissent, Mme  de Langey retourna la tête nonchalamment. Le journal venu de France fut bientôt dans toutes les mains ; il contenait au reste de merveilleux détails sur la dernière ambassade de M. le duc de Richelieu à Vienne. Le récit de cette pompe, consistant en soixante-neuf beaux carrosses à six chevaux, et six autres de la plus grande richesse, avec des chevaux bai brun couverts de plaques d’argent doré et de points d’Espagne ; six coureurs habillés de velours rouge, entièrement galonnés d’argent ; douze heiduques tenant en main des masses d’argent ; douze pages à cheval, avec le gouverneur des pages, le sous-gouverneur, l’écuyer, les sous-écuyers, six suisses et vingt-six palefreniers tant à cheval que tenant des chevaux en main, donna furieusement à penser à Mme  de Langey, éprise avant tout de la vanité des équipages et du luxe des livrées. Quelques autres détails relatifs à la vie de cour, qu’elle trouva dans cette feuille venue de France, réveillèrent bientôt en elle d’autres bouffées d’amour-propre ; elle se dit sans doute qu’il ne tiendrait qu’à elle de voir un jour toutes ces choses. Penchée comme une sultane souveraine au milieu de ce harem d’esclaves nouveaux, elle éprouva d’abord quelque peine à le trouver si restreint. En effet, soit que le bruit de son arrivée dans la colonie ne fût pas encore répandu, soit que certaines susceptibilités aristocratiques attendissent de plus amples informations pour la visiter, le premier aspect de son salon