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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/161

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NOËMI

de son fils, la négresse passa bientôt à la visite qu’elle avait reçue, à la belle dame qui, la minute d’avant, avait apparu chez elle. Pourtant, comme le prouvera bientôt ce récit, ce n’était pas la première fois que la négresse voyait la marquise… Mais ce jour-là son incomparable beauté captivait impérieusement son attention, elle provoquait chez Noëmi un ressouvenir amer… En regardant le banc de la marquise, devenu vide tout d’un coup, Noëmi se frotta les yeux ; comme après la disparition d’une fée. Un parfum charmant remplissait encore la case… La négresse rêva bientôt de ces divinités de Fida, le pied chargé de clochettes d’or, la bouche parée de dents limées en festons, la chevelure ornée d’anneaux et de perles. L’éblouissante beauté de Mme de Langey était certainement le trait distinctif qui avait le plus frappé Noëmi, elle en gardait un étonnement sauvage et presque stupide. Un morceau de miroir ingrat cloué aux bambous de sa case lui ayant alors rendu ses traits, la négresse soupira, se tordit les mains, se rapprocha de la glace encore une fois, puis s’écria, immobile de douleur en considérant ses traits flétris :

« Et moi aussi j’ai été belle ! »

Murmurant alors intérieurement des mots qu’elle seule comprenait, elle se rassit et se cacha la tête dans ses deux mains. Saint-Georges dormait : il ne la vit point pleurer.