ses sueurs le champ africain d’où ce sucre était tiré !
Le goût du siècle, plus qu’un sentiment d’humanité et de compassion, avait donc amené de la part de la marquise cette distinction dans le costume de Saint-Georges. Le plus beau de tous les enfans mulâtres de l’Artibonite, le plus fort, le plus adroit lui avait paru digne d’être excepté de la classe vulgaire des noirs ; ces exemples-là se rencontraient alors fréquemment, témoin Zamore, le nègre de Mme Dubarry, et Scipion, l’enfant gâté de la duchesse d’Orléans[1].
Dans son esprit, Mme de Langey devait donc trouver Saint-Georges très-honoré, très-heureux.
Mais Saint-Georges était mulâtre, Saint-Georges avait sucé dès l’enfance, avec le lait de Noëmi, cette haine distinctive de la race safranée contre la race noire ; il pouvait se croire comme tous les mulâtres, d’une caste intermédiaire. Cette sorte d’égalité factice, pour les leçons et les jeux, établie à certaines heures du jour entre Maurice et lui l’étonnait à peine ; il y avait dans cette âme jeune je ne sais quel levain de noblesse et d’ambition qui fermentait.
Ainsi, bien qu’il ne fût guère entré au service de la marquise de Langey que pour son singe, le mulâtre avait vite compris qu’il ne tiendrait qu’à lui de devenir bientôt l’ami, plus encore que l’émule de Maurice, tant la supériorité de l’âge et de la force lui donnait d’audace, tant il avait hâte de se signaler
- ↑ Propre mère de Louis-Philippe.