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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

duchesse de Capmani. Il était précieux à entendre sur le fameux axiome de : Qui veut la fin, veut les moyens. Pour mon compte, je regrette beaucoup de n’avoir pas suivi les conférences de ce fameux casuiste. Il m’aurait peut-être appris qui de ces deux natures est la damnée, de l’esclave qui tue ou du maître qui fait tuer.

— Que voulez-vous dire ?

— Qu’il n’y a pas que moi de coupable, Caroline, et qu’à la confession de ma vie que vous allez entendre, il me faudra répondre par la vôtre, marquise de Langey !

— N’aurez-vous pas pitié d’une pauvre femme qui ne porte plus ce nom ?

— Vous avez raison, Caroline ; j’aurais pu avoir pitié de la femme du marquis de Langey, mais je n’en aurai point de la maîtresse de M. de Boullogne ! Vous m’écouterez. Aussi bien ces momens pour moi sont solennels.

Il reprit après une pause interrompue seulement par la respiration de la marquise :

— Il y a dix ans, j’habitais San-Lucar de Barrameda, jolie petite ville située à trois lieues de Cadix, sur la gauche du Guadalquivir. À vingt ans (c’était l’âge que j’avais alors), je ne connaissais pas, le croiriez-vous ? d’autre joie que de faire la sieste sous les oliviers, de boire du vin de Manzanilla et de fumer des cigares. Je n’avais jamais connu les embrassemens d’une mère. Mon père, homme avare, me laissait à peine quelque argent. Élevé par ses ordres chez un chanoine, dans l’enceinte de San-Lucar, dont