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Page:Roger de Beauvoir - Le Chevalier de Saint-Georges V1, 1840.djvu/218

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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

vivant à Cadix sous le nom d’une de ses parentes défunte ; elle s’était souvenue fort à propos pour moi qu’elle avait un fils, et comme vous le pensez, notre joie de nous retrouver tous deux fut extrême.

« Avant de me faire cette confidence, elle jouit d’abord de mon embarras ; le mystère de cette entrevue lui sembla (elle me l’a souvent conté) une de ses plus douces jouissances. Bientôt elle m’entoura de soins, m’équipa selon mon rang et se fit un devoir de m’accorder au centuple tout ce que me refusait mon père.

« Vous imaginez-vous un jeune homme de vingt ans contenu jusque-là dans toutes les bornes et à qui l’on offre les moyens de vivre à sa guise ? Je trouvais chez moi, chaque jour, des étoffes de toute espèce et de toute forme, des laquais nombreux, des bourses toujours remplies : je pouvais me mêler dans la nuit aux sérénades, respirer la fraîcheur des jets d’eau et des bosquets, avoir une vie tressée de fils d’or et obtenir bien vite gain de cause auprès des femmes ! Une passion plus frénétique et moins insensée pourtant que l’amour me saisit ; cette passion ce fut le jeu !

« Je n’eus que trop d’occasions de la satisfaire. J’étais attiré vers cet incroyable amour, uniquement parce que je le trouvais au-dessus des amours vulgaires, qu’il était chez moi poétique, idéal et le prétexte de singulières profusions. Je jetais l’or aux aguadores et aux premiers pauvres qui me demandaient l’aumône ; j’allais moi-même dans les hôtelleries payer aux matelots du vin de la Manche ; je do-