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LE CHEVALIER DE SAINT-GEORGES.

« — Il me fait honneur, qu’en pensez-vous ? reprit-il ; mes diamans ont dansé hier sur le cou d’une marquise !

« — Vos diamans ! Que voulez-vous dire ?

« — Que je les loue, pardieu ! à M. le marquis de Langey. Cet excellent jeune homme aime tant sa femme ! il fait tant de dépense pour elle !

« — Le marquis de Langey ! Quoi ! ne serait-il donc pas riche ?

« — Je n’en sais rien ; toujours est-il qu’il me doit neuf cents piastres… À son arrivée dans la colonie, il a d’abord fait belle figure ; mais depuis son mariage, il emprunte. C’est peut-être le jeu : ils sont tous acharnés ici après les cartes !

« — Mais la marquise, la femme de M. de Langey ?

« — Mon jeune confrère, ne m’interrogez pas sur elle ; c’est une femme dont je tomberais peut-être amoureux si je n’avais pas de cheveux blancs… Figurez-vous qu’elle fait à elle seule aller le commerce de la Guadeloupe ! Chaque jour de nouvelles parures, des caprices, des idées de l’autre monde ! N’a-t-elle pas donné l’autre mois une collation où il y avait pour trois cents livres de fraises ! Il est malheureux que cette femme-là n’ait point épousé quelque fermier général !

« — Je ne vous demande pas si vous la croyez coquette ?

« — À l’extrême… Elle a rendu un jeune nègre si amoureux d’elle, pour l’avoir seulement portée en chaise à la promenade, que le pauvre garçon s’est allé noyer dans le puits d’une noria.