les rainures cannelées de leurs sébilles. Il n’y avait guère que dix-huit à vingt esclaves ; l’ordre n’était point encore venu jusqu’à eux. Mon habitation s’élevait à peu de distance ; le fleuve lui-même formait sa ceinture : on apercevait de loin San-Yago, bâti sur un escarpement sablonneux. Monté sur un excellent bayahondros[1], j’avais atteint les limites de mes domaines, escorté de trois mulâtres, quand un commandant militaire espagnol déboucha tout d’un coup d’un taillis d’acacias et vint me prescrire impérieusement de faire retirer de l’eau mes orpailleurs. En même temps il fit placarder l’ordonnance aux poteaux de ma maison par deux de ses cavaliers. Trouvant peut-être que mes noirs ne mettaient pas assez de promptitude à se retirer, il ordonna à quelques gens de sa suite de leur distribuer des coups de plats de sabre : les femmes et les enfans, employés principalement à ce travail riverain, poussèrent d’horribles cris… La fureur me saisit ; je me voyais non-seulement dépouillé de ma récolte, mais on maltraitait mes propres esclaves devant moi… À la vue de mes négresses dispersées comme une troupe de grues craintives, et dont l’épaule de quelques-unes saignait, je ne me contins plus ; je piquai des deux vers le poteau, et je déchirai l’ordonnance… Il n’y eut qu’un cri d’étonnement : le commandant militaire courut vers moi ; mais, à la faveur de ma monture, je fus bientôt hors de sa portée… Le vent de la mer soufflait fortement ; je courais aussi rapide que lui,
- ↑ Cheval.